Vous saurez tout sur Kamui FUJIWARA, la suite !
18/01/2016
Jeudi dernier, nous avons partagé la première partie de notre entrevue avec Kamui FUJIWARA, à l’occasion d’une exposition dédiée à son travail, au Japon. Un premier round que vous pouvez retrouver ici : https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=1123977390975893&id=105381832835459
Aujourd’hui nous vous proposons de découvrir la suite de notre interview avec la publication de la deuxième partie, dans laquelle l’auteur revient notamment sur sa jeunesse et… sa rencontre avec un grand monsieur : Osamu Tezuka !
Bonne lecture !
- > Que lisiez-vous quand vous étiez au collège ou au lycée ?
Au collège, je lisais surtout les livres proposés à la bibliothèque de l’école. Il n’y avait pas grand chose d’intéressant, à part les romans policiers.
- > Il n’y avait pas de manga ?
Pas à la bibliothèque, non. Ça ne doit faire qu’une dizaine d’année que les mangas sont autorisés en bibliothèque.
En ce qui concerne les mangas, malgré mon âge j’étais fasciné par les magazines underground comme COM et Garo (NDT : Célèbres magazines de manga créés dans les années 60, sérialisant des titres à tonalité plus sombre et réaliste que la norme à l’époque). A l’école primaire je lisais des magazines shonen comme Shonen King, mais au collège j’ai découvert COM. C’était publié par Mushi Production (NDT : compagnie créée par Osamu Tezuka, surnommé le dieu du manga), et le titre-phare était « L’Oiseau de feu » de Osamu Tezuka. Mais en dehors de cela, il y avait aussi des pages dédiées aux nouveaux auteurs, dont beaucoup sont aujourd’hui célèbres. J’étais très attiré par ces mangas expérimentaux. C’était complètement différent des mangas habituels. Pour Garo, beaucoup d’auteurs dessinaient pour une rétribution de misère, mais en échange ils avaient une grande liberté de création. Quand j’ai découvert ça, je me suis senti moi-même libéré. Je me suis dit : « Ah ! Ca aussi c’est possible alors ! »
- > Vous ne lisiez pas de mangas shonen purs et durs alors ?
Si, si. Je connaissais déjà très bien ce genre, j’ai lu les deux types de manga en parallèle. Ça ne veut pas dire que je ne lisais que COM et GARO.
- > J’ai entendu dans une de vos anciennes interviews que vous achetiez aussi des BD étrangères.
Ah oui, c’est vrai, quand j’étais au lycée. Ça a commencé quand j’ai découvert le quartier de Jinbôchô (NDT : quartier central de Tokyo où se concentrent beaucoup de maisons d’éditions et de librairies). J’y suis allé pour la première fois pour voir un film,et c’est comme ça que j’ai appris l’existence de cet endroit. C’est rempli de librairies ! J’en étais tout excité, et j’ai commencé à y aller une ou deux fois par semaine pour feuilleter les bouquins. Dans une librairie spécialisée en livres étrangers, j’ai trouvé « Heavy Metal » (NDT : version américaine de « Métal Hurlant », le célèbre magazine français de BD expérimentale des années 70-80). C’est comme ça que j’ai découvert Moebius. C’était tout en couleur, et ça coûtait 2000 JPY(environ 15EUR), ça n’était pas facile à acheter pour moi à l’époque. Mais j’ai dû en acheter 3 ou 4 numéros.
- > Cette exposition est une bonne occasion de penser à votre carrière. Y a-t-il un moment qui vous a particulièrement marqué au cours de votre vie ?
Travailler sur l’anime diffusé dans l’exposition, « Chocolate Panic », a été une expérience intéressante. Pour créer un manga, on travaille déjà en équipe, mais pour un anime, il y a encore plus d’intervenants. Je travaillais dans un studio. C’était un des premiers boulots pour lesquels je devais aller au bureau, en dehors de mon travail en service de reproduction. Un studio avait été loué au sein de Tezuka Production (NDT : La compagnie de production d’anime créée par Osamu Tezuka), dans le quartier de Takadanobaba à Tokyo. Là, nous avions une salle pour la création de l’anime, et bien sûr, Osamu Tezuka travaillait dans le même bâtiment, dans les étages supérieurs. De temps en temps, il passait devant notre lieu de travail. Il ne jetait pas de coup d’œil de façon délibérée, car il savait que nous étions en pleine production. Je pense qu’il faisait mine de ne pas faire attention à nous (rires).
- > Ça devait être de vrais moments d’émotion !
(rires)
- > Avez-vous eu l’occasion de parler avec Osamu Tezuka ?
Pas pendant mon travail. Mais avant de devenir un mangaka, j’ai fait la connaissance de son fils. A l’époque, il organisait des projections de films en 8mm. Comme nous travaillions plus ou moins dans le même domaine, nous nous sommes rencontrés lors d’une de ces projections, et il m’a proposé de me présenter son père. A ce moment-là, je lui ai rétorqué : « Mais pourquoi je devrais rencontrer ton père ? » Et là, il m’apprend qu’il s’appelle Tezuka ! Je lui ai dit : « Mais alors, ça veut dire que… ». Il m’a alors confirmé que son père était en effet Osamu Tezuka, et qu’il me le présenterait à la prochaine séance. Et effectivement, il est venu (rires). Justement, dans le film qui était projeté, j’avais réalisé une partie en animation. En voyant ça, Osamu Tezuka m’a dit : « Bonne continuation dans l’animation ». Je n’étais encore rien du tout, mais il a dû me prendre pour un animateur de métier.
- > Quel âge aviez-vous ?
Je devais avoir 17-18 ans. Je lui ai même serré la main, sans hésitation. Il avait une sacrée poigne ! (rires) Mais il commençait à perdre sérieusement ses cheveux. Comme il n’avait pas son éternel béret, au début je ne l’ai pas reconnu (rires) C’est la seule fois où je lui ai parlé.
- > Ça a dû vous motiver pour continuer.
Oui, en effet. Même aujourd’hui, pendant certaines soirées, des dessinateurs de mangas que je lisais autrefois passent juste devant mes yeux, mais je n’ose pas leur adresser la parole. (rires)